Nous avons rencontré Rémi Claras, scénographe et Visual merchandiser (Agence Les Flashs) à l’occasion d’une collaboration sur le salon Maison & Objet pour le compte de nos clients Anne de Solène et Toison d’Or. Nous avons tout de suite « matché » avec Rémi, en partageant les mêmes valeurs de nos métiers respectifs : L’expérience proposée à un visiteur sur un salon ou dans un magasin quand bien même éphémère. Ci-après, nous vous proposons son interview, son portrait, sa vision, et pourquoi nous avons eu envie de collaborer ensemble, et vous proposer la conjonction de nos savoir-faire.
Affaire d’Idées, standiste et créateur de solutions pour l’agencement de magasins éphémères ou Pop-Up store, s’évertue à s’entourer de talents pour vous proposer chers lecteurs, clients, et potentiels nouveaux clients les meilleures solutions compte tenu de votre budget, et de vos objectifs commerciaux.
Bonjour Rémi, peux tu te présenter, expliquer la spécificité de ton métier à nos lecteurs et clients ?
J’ai commencé mon aventure dans le monde du retail, en travaillant en tant que guide conseil chez Nature et Découverte. J’y ai justement découvert l’expérience client avec la mise en scène des produits en fonction de la saisonnalité, en fonction des besoins du point de vente, et de chaque zone, et de là j’ai voulu en faire mon métier.
J’ai suivi une formation de deux ans en alternance où j’ai approfondi mes connaissances de ce métier, et en faisant le tour des magasins pour former les équipes de vente à ce sujet.
Aujourd’hui, effectivement, après 15 ans passées au sein d’un réseau de distribution, je me suis lancé en freelance et ça m’a permis d’aller au contact de différentes typologies produits, différentes contraintes, différents positionnements produits et m’adapter, montrer que je suis capable de m’adapter aux besoins de chaque marque.
En quoi tu peux faire la différence pour un client ? Comment s’exprime ta valeur ajoutée ?
C’est véritablement de redonner du sens. D’un côté, il y a eu ce besoin de recentrer un petit peu et de standardiser l’expérience en retail, mais de l’autre, il faut apporter ce petit plus et c’est véritablement là en fait que j’apporte mon expérience.
C’est de s’adapter au point de vente, qu’il soit permanent ou éphémère, mais également de capter l’attention, c’est très important.
Capter l’attention…concrètement comment tu captes l’attention en magasin, on parle bien sûr du visiteur, du client, du prospect qui rentre dans un magasin, comment on capte son attention?
L’idée, c’est déjà d’apporter un environnement qui soit stable sur toute la partie merchandising, mais c’est aussi par la partie scénographie, les vitrines déjà de l’extérieur, mais également tout ce qui peut être podium ou silhouette pour la partie prêt-à-porter, qui doit justement capter l’attention, qui doit attirer vers une zone qui peut intéresser justement le client potentiel.
Je prends souvent l’exemple des muraux de jeans qui sont vraiment intemporel depuis une décennie, de se dire que dans un magasin de vêtements, capter l’attention, il y a un espace pour les jeans, on va aller vers cette zone si on est en recherche de ce produit, et ensuite de montrer la déclinaison, de rendre accessible au toucher les différentes qualités, les différentes finitions, pour que le client puisse sélectionner d’abord le choix de son modèle, et ensuite la taille afin qu’il puisse essayer.
Pour rebondir sur tes paroles, il semble que tu essaies de surtout mettre en exergue l’oeil et le toucher ?
C’est profondément ce qui différencie le magasin physique du web, amener l’oeil à vouloir toucher !
La différence majeure entre l’e-commerce et le retail, c’est justement le toucher. La vue, un de nos cinq sens est sollicité par les réseaux sociaux, les sites e-commerce. C’est aussi le cas dans un magasin, mais en plus, on peut toucher, et investir pleinement le champ sensoriel.
Pour moi, c’est l’importance fondamentale du magasin, pour amener progressivement, strate après strate… On voit, on s’approche, on touche, on aime, et on achète.
Bien entendu, c’est très cliché, mais en tout cas, la force du retail, c’est d’amener à toucher le produit.
Ton métier, c’est finalement la capacité à amener les clients à toucher les produits ?
Oui ! En fait ce qui s’explique souvent dans le merchandising, c’est de se dire que les pas sont importants.
En fait, on a un individu qui justement est dans la rue, et en fait lui permettre d’approcher, c’est tout l’enjeu.
Je prends souvent l’exemple d’une vitrine qui doit permettre d’approcher, mais plus important de faire traverser la rue, c’est à dire le fait qu’un passant qui était sur le trottoir d’en face vienne traverser pour voir de plus près la vitrine.
C’est véritablement important… les pas suivants, il faut le faire rentrer dans la boutique, la recherche justement de l’effet waouh d’une vitrine qui fait rentrer dans la boutique, faire ce pas, c’est un engagement pour le client et c’est justement le fait de pouvoir l’acquérir progressivement pour le point de vente, d’aller vers ce toucher, vers l’acceptation du produit.
Nous avons récemment travaillé ensemble sur un point de vente qui n’est pas tout à fait un magasin au sens propre du terme, mais qui est un « lieu de vente », on va dire au sens babylonien des choses, c’est à dire on ramène des gens sur un lieu pendant un temps défini…On a travaillé ensemble sur un stand pour Anne de Solène et la marque Toison D’or. Au cours de notre collaboration, peux-tu expliquer à nos lecteurs ce que tu as amené ?
C’est du B2B, donc ça reste en fait une approche vers un client, un client qui ensuite va redistribuer les produits, mais ça reste un client quand même…
On a trois strates, d’un côté la partie technique, qui est amenée justement par vous, les besoins du client, qui sont justement quels sont les produits à présenter, et ensuite, là où j’interviens, c’est véritablement pour justement créer ce sens, donc jouer avec ces deux paramètres, le stand et les produits, pour créer une synergie qui permet d’attirer justement le plus de sens possible.
Cela passe par l’attention avec le visuel ! C’est la première chose de loin qu’on voit avec les jeux de couleurs, avec les harmonies, pour justement permettre au passant d’approcher sur le stand, de venir voir ce qu’il s’y passe, et d’aller vers le toucher.
J’ai travaillé pendant 15 ans dans le textile de maison, le toucher est très important et avec Anne de Solène, on doit retrouver également ce sens, le fait d’accéder au produit, de le toucher.
On est sur des belles qualités, donc plus on va toucher le produit, même chose pour Toison d’or avec les différentes qualités de cachemire, de mohair, il faut qu’on aille vers ce sens qui est véritablement très important.
Nous t’avons vu prendre soin des textiles, et même repassé des textiles sortis des boîtes avant de les mettre dans des présentoirs. Comment ça concourt à tout ce que tu viens de nous dire, à cette stratégie pour emmener les gens à toucher?
L’idée, c’est vraiment de jouer toujours sur l’aspect. C’est de présenter le produit dans son plus bel écrin.
D’un côté, c’est d’avoir un produit qui soit impeccable.
Pour le textile, il est primordial de le repasser, d’avoir cet aspect vraiment impeccable de ne pas avoir de pli, c’est un aspect qui peut être négligé.
C’est vraiment de monter au niveau standing, et puis ensuite effectivement de le positionner, donc ça ce sont les règles du merchandising.
Quand on a un produit qui va être haut de gamme, on va le positionner à hauteur d’oeil, pour permettre au client de le toucher le plus possible.
Quand on a des belles couvertures, comme Toison d’or en cachemire, il est évident que je vais les positionner sur une étagère à hauteur ou alors les suspendre.
Si c’est la barre d’accroche la plus proche du consommateur potentiel, l’idée c’est véritablement de jouer sur ça, et de se dire qu’on a des produits qui vont arriver en second ou qui vont être peut-être moins primordiaux pour la marque, et que l’on mettra plus en retrait…
On va jouer sur l’attractivité au niveau coloristique, toujours pour accrocher l’oeil, ou alors sur une étagère mineure, pour se dire que c’est un produit qu’on ne va pas mettre en première ligne.
Ton métier, c’est véritablement de stariser le produit, de connaître les produits du client, pour savoir lequel positionner en amont, et ceux qui accompagnent ?
A chaque fois, c’est comprendre les besoins, de comprendre aussi les collections pour mettre en avant les bons produits.
J’explique toujours mon métier comme étant un process. On travaille tous dans un collectif, et on est tous un maillon de cette chaîne.
Quand une équipe de style imagine, dessine, une collection, l’idée c’est d’accompagner tout ce process autant sur le développement marketing, communication qu’au niveau commercial, et donc je fais partie de ce process.
On est sur une marque qui crée des collections françaises avec des matières très nobles, il faut que ça rayonne, il faut que ça éclabousse véritablement et qu’on accède en premier à ces produits là.
Maintenant, si on revient dans l’univers du retail, du shop, est-ce que toi, tu as les mêmes codes quand tu fais de l’événementiel, du magasin éphémère que du magasin physique dur, est ce que ce sont les mêmes codes ou est ce qu’il y a des différences?
Alors sur un magasin, on doit prendre véritablement en considération l’historique d’un point de vente, et des équipes qui vont pouvoir appuyer sur une typologie produit ou sur un environnement.
Je vais jouer avec ça.
Sur un point de vente éphémère, c’est très différent, on doit interagir véritablement avec notre environnement.
On va avoir à positionner en fonction de l’accès… il y a souvent plusieurs entrées sur un point de vente éphémère ou sur un stand, où on va devoir regarder véritablement la circulation, regarder aussi les acteurs qu’il y a autour, comme dans un grand magasin ou en fin de compte, si on a en fait un concurrent qui va être d’un côté, on va forcément axer le fait de glaner les clients avec ce point de vente concurrent qui peut se trouver à proximité.
Comment le retail doit se positionner par rapport à l’e-commerce selon toi ?
L’e-commerce est un acteur important, et qui permet en fait d’être un ajout, un additif.
Cette dernière décennie, les parts de marché ont grandi sur cette partie là, ce qui est très intéressant, mais le retail souffre énormément parce qu’il y a une non compréhension du fait de stimuler les sens.
Le Covid a été un moment important qui a modifié, qui a été un accélérateur pour la partie e-commerce, ce qui est très très bien.
Le merchandising, la valeur en tout cas retail sur les points de vente physique, c’est en fait quelque chose qui est beaucoup plus grand qui amène les cinq sens ce qui n’est pas le cas en fait de l’e-commerce ,et il faut vraiment profondément penser à ça.
Je le répète pour les boutiques, si on ne prend pas en compte ça, on va perdre progressivement, on va fermer tous les points de vente et on va faire en fait que du digital, et on perdra le sens du toucher, on perdra l’odorat, on perdra même le goût…
Et sans ces cinq sens, on perd selon moi profondément en humanité.